B.B. King & Eric Clapton : Riding With The King (2000)

B.B. King & Eric Clapton : Riding With The King (2000)



1. Riding With The King
2. Ten Long Years
3. Key To The Highway
4. Marry You
5. Three O'clock Blues
6. I Wanna Be
7. Help The Poor
8. Worried Life Blues
9. Days Of Old
10. When My Heart Beats Like A Hammer
11. Hold On I'm Comin'
12. Come Rain Or Come Shine

Personnel :
B.B. King - Guitare, chant
Eric Clapton - Guitare, chant
Doyle Bramhall II - Guitare, chœurs
Andy Fairweather-Low - Guitare
Jimmie Vaughan - Guitare (sur "Help The Poor")
Tim Carmon - Orgue
Joe Sample - Piano, Wurlitzer, Rhodes
Nathan East - Basse
Steve Gadd - Batterie
Paul Waller - Programmation rythmique
Susannah Melvoin, Wendy Melvoin : Chœurs


B.B. King & Eric Clapton : l'affiche est belle, très belle même. Le succès commercial a été au rendez-vous : "Riding With The King" est la plus grosse vente de toute la carrière de B.B. King - et l'une des meilleures d'Eric Clapton aux Etats-Unis, avec plus de deux millions d'exemplaires écoulés. Sans surprise, le disque a remporté le Grammy Award du meilleur album de blues traditionnel.

"Riding With The King" est un disque difficile à chroniquer : il navigue entre le sublime et le médiocre, voire le franchement mauvais. Eric Clapton a produit l'opus avec Simon Climie, avec lequel il avait déjà enregistré "Pilgrim". Si la programmation et le Protools avaient leur place sur "Pilgrim", c'est une faute artistique majeure de la part des deux hommes d'avoir ici cédé aux sirènes de la modernité, d'autant que le casting rendait ces technologies sans intérêt, inutiles : il suffisait de laisser tourner les bandes.

Mais c'est surtout le matériel de "Riding With The King" qui pose problème. Si de nombreux styles sont abordés, la réussite est malheureusement loin d'être toujours au rendez-vous : une fois encore, Clapton et Climie ne jouent pas correctement leur rôle de producteur.

"Riding With The King" est principalement un disque de blues, et c'est dans ce registre que B.B. King & Eric Clapton gravent les meilleures plages du disque, mais tous les blues ne sont pas réussis et les bons moments ne se résument pas aux seuls blues.

Trois titres justifient à eux seuls l'acquisition de "Riding With The King" : ce sont les trois blues lents issus du répertoire de B.B. King. Sur "Ten Long Years" et "When My Heart Beats Like A Hammer", Clapton laisse le chant au seul B.B. King : on peut le comprendre. La voix de B.B. King est fantastique, d'une générosité sans égale. Difficile de tenir la comparaison face à l'une des plus belles voix de la musique noire américaine. Guitaristiquement, je trouve B.B. King au-dessus d'Eric Clapton en terme d'inspiration et de sensibilité, même si c'est d'une courte tête. Dans ce registre guitaristique, B.B. King atteint une sorte de perfection : nul bavardage, chaque note prenant sens. Clapton, fidèle à lui-même, est peut-être trop réservé. Sur le répertoire blues du disque, il joue presque systématiquement en son clair. Son phrasé est certes superbe, mais je trouve que son jeu a besoin de plus d'électricité pour prendre toute son ampleur. Il aurait d'ailleurs été intéressant de voir comment B.B King aurait répondu à un jeu plus agressif... Quant à Doyle Bramhall II, avec ses quelques notes jouées en slide, il se montre toujours inspiré dans son accompagnement.

Le sommet du disque est sans doute "Three O'clock Blues". Clapton sort ici le meilleur de lui-même, poussant B.B. King à se surpasser : c'est un régal d'entendre les deux hommes chanter et jouer avec autant de subtilité - et de talent. On notera au passage que c'est un des rares titres sans programmation, où le personnel est plus réduit - même si la production de Simon Climie manque (un peu) de sobriété, rajoutant d'inutiles effets sur la voix du King.

Deux autres blues sont issus du répertoire de B.B. King. La relecture de "Help The Poor" est assez réussie, même si les chœurs sont un peu envahissants. "Days Of Old" est presque rock, révélateur de la bonne humeur des séances. Sans égaler l'intensité des blues lents, ces morceaux fonctionnent bien.

Les titres acoustiques me posent un peu problème. Si "Key To The Highway" est très bien chanté par nos deux hommes, "Worried Life Blues" est nettement plus poussive. Surtout, la mode "Unplugged" trouve ici ses limites : en tant que guitaristes, B.B. King & Eric Clapton reviennent parmi le commun des mortels lorsqu'ils jouent acoustique. Des versions électriques de ces deux titres auraient certainement été plus intéressantes de ce point de vue...

Le reste du disque est très inégal. Commençons par les titres rock : le "Riding With The King" de John Hiatt est réussi, la complicité entre les deux leader opérant bien. Qu'en est-il deux reprises de Doyle Bramhall II, issues de son album "Jellycream" ? Bien que très calibré, le funk rock de "Marry You" fonctionne assez bien, Clapton n'hésitant pas à jouer nettement plus saturé dans ce contexte. En revanche, "I Wanna Be" est complètement raté. Outre le fait que la version originale ne méritait peut-être pas que l'on s'y attarde, Clapton est passé complètement à coté du fait que si Doyle Bramhall joue bien ce type de composition, c'est peut-être parce qu'il les joue dans un esprit rock que lui et B.B. King n'arrive pas du tout à reproduire, produisant à la place une variété FM assez indigeste.

"Riding With The King" se termine par deux standards connus de tous : "Hold On I'm Comin'" et "Come Rain Or Come Shine". "Hold On I'm Comin'" est littéralement massacré, d'une lourdeur incroyable : comment un titre aussi loupé a-t-il pu trouver le chemin du CD ?
En revanche, "Come Rain Or Come Shine" est superbe, servi par les voix de nos deux hommes (Clapton étant manifestement à son aise dans le répertoire pourtant difficile de Ray Charles).


Au final ? Un disque beaucoup trop long, comme c'est trop souvent le cas depuis que le CD a supplanté le 33 tours. Avec un 1/3 de matériel en moins, Clapton et le King avaient de quoi publier un disque fantastique, car le matériel de qualité ne manque pas.

Merci Ayler, chronique fort intéressante et qui change des louanges aveugles que j'ai pu lire habituellement sur cet album0

ça reste un disque agréable à écouter, bien loin certes des racines du blues, mais néanmoins pas si mal que ça. Je te rejoins d'ailleurs sur le fait que les deux compères ne sont pas si à l'aise que ça en acoustique.
Ceci dit lorsque je tente d'insuffler le blues sournoisement dans l'oreille d'invités néophytes c'est un des disques que je mets sur la platine. En général l'accueil est plutôt bon

Jungleland a écrit:lorsque je tente d'insuffler le blues sournoisement dans l'oreille d'invités néophytes

Quelle formule !

Salut à tous !

Alors, pour faire court, ce disque est néanmoins à mon avis une excellente galette. Il est vrai et je rejoins sur ce point JungleLand qu'il permet de se faire une bonne initiation ou introduction ( hé n'ayez pas l'esprit mal tourné !!! ) au blues moderne.

Album de blues néanmoins incontournable dans toute discothèque qui se respecte.

Et puis enfin, quelle pochette mythique !

Je possède cet opus en cd et en dvd audio, le dernier support étant magistral voir carrément démoniaque au niveau technique.

Fred

Les non-inités devraient se laisser "conduire" par les 2 comparses pour aller voir plus loin.
C'est un bon disque de blues/rock, que certains, pas forcément amateurs de blues, apprécieront.
C'est donc un bon point pour cet opus.

Moi j'aime beaucoup ce disque il s'écoute avec plaisir et le côté variété FM évoqué par Ayler semble plutôt un clin d'oeil.
Certes, les deux ont fait des trucs autrement bons, mais c'est rafraichissant sans prise de tête, sans prétention, et comme le soulignent Philou et Jungleland une bonne 'introduction" au blues.

J'ai plus ou moins commencé par là, à l'époque, mais j'ai vite laissé tomber ce disque et ne l'écoute plus que par hasard, d'une oreille distraite quand je fais la vaisselle. A part la reprise de Worried life blues, le reste est comme vous dites purement introductif.

PS : A mon humble avis, le vieux Clapton s'est franchement perdu en route et je ne comprends plus guère les louanges dont on le couvre. Par exemple, son album de reprises de Robert Johnson, est certes réussi, mais platement je pense.

Très intéressant ce que tu nous a raconté Ayler sur cet album.

Une idée assez juste de cet album je trouve, que je trouve - pour résumer très succinctement - est ponctuellement plaisant sans pour autant casser la baraque.

Un peu comme Oyster, quand je fais la vaisselle c'est à dire pas très souvent ah ah!