Mississippi John Hurt
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Mississippi John Hurt
Le Mythe
C'est en 1952 que sortit "Anthology of American Folk Music" (un coffret de six 33 Tours), publié par Harry Smith. Cette anthologie marqua le début de ce qu'on allait appeler plus tard le folk boom des années 60, permettant aux américains blancs de découvrir avec passion que leur pays avait dés les années 20 et 40 une culture musicale impressionnante (blues, Hillbilly, cajun, mexicain, etc)
Dans ce LP, 2 titres étaient interprétés par un certain Mississippi John Hurt ("Frankie" et "Spike Driver Blues") qui forcèrent l'admiration de tous les auditeurs. Jeu de guitare picking léger et délié, voix calme et profonde… On ne savait rien de ce chanteur-guitariste, si ce n'est qu'il venait probablement du Mississippi (vu son nom !) et qu'il était noir (ces 78 Tours avaient été vendu en Race Record), mais sa façon de chanter et de jouer de la guitare ne ressemblait à rien de ce qui avait été enregistré dans cette région à cette époque (1928). D'autres titres de John Hurt circulèrent sous le manteau ou furent réédités, et nombre de musiciens cherchaient à comprendre et imiter le style de ce guitariste entré dans la légende du milieu folk américain.
Le mystère était total, et semblait devoir le rester car une chose était quasiment sûre : N'ayant aucune trace de John Hurt, tout le monde le pensait mort comme la plupart des musiciens ayant enregistré à cette époque.
Pourtant, Mississippi John Hurt allait être redécouvert, 35 ans après ces fameux enregistrements de 1928…
Sa vie
Né de Isom Hurt et de Mary Jan McCain le 8 Mars 1892, à Teoc, Caroll County, Mississippi, USA, John Smith Hurt fait partie d'une famille de dix enfants (sept frères plus âgés et deux sœurs) vivant des maigres revenus de la ferme dont le père est métayer.
Arrivé à Avalon (Carroll County, Mississippi, USA, petit bourg d'une centaine d'âme où John Hurt passa quasiment toute sa vie) en 1902, les rares loisirs y étaient les soirées animées par des musiciens itinérants où des musiciens locaux tels William Henry Carson
Ses premiers contacts avec la musique eurent lieu à l'église et à neuf ans, il se voit offrir par sa mère une guitare (sa famille aimait la musique, même si elle ne comptait pas de musicien parmi elle). Il apprend alors à reproduire sur l'instrument ce qu'il entend "dans sa tête", c'est à dire les chansons des songsters où ceux des travailleurs agricoles et des ouvriers des chemins de fer.
Quand son père décède (1902), il quitte l'école et aide sa mère à la ferme pour cultiver le coton, le maïs et les pommes de terre. Pour rapporter plus d'argent à sa famille, il se fait parfois engager comme ouvrier agricole dans une ferme voisine.
Mais en attendant, pour gagner agréablement de l'argent, ce que préfère John Hurt c'est bien sûr de jouer de la musique. Il s'est forgé un style de guitare personnel et sa réputation de chanteur et conteur va grandissante dans les environs. Il est appelé à animer des fêtes chez les noirs et les blancs, seul ou en groupe.
Après un premier mariage suivi d'un divorce, John Hurt se marie en 1927 avec Jessie, qui restera sa compagne aimée jusqu'à la fin de ses jours et lui donna 14 enfants.
A partir de 1923, son voisin Willie Narmour, un violoniste blanc, fait souvent appel à John Hurt pour remplacer son partenaire habituel, le guitariste Shell Smith, pour animer des "Square Dance". Dans ces cas là, John Hurt abandonne bien sûr son style finger-picking pour assurer la rythmique en flat-picking. Cette anecdote est importante, car outre le fait qu'elle nous prouve d'une part que John Hurt était déjà un musicien réputé, et d'autre part qu'il savait s'adapter à différents styles de musique, ici la country. Elle nous montre aussi que malgré la ségrégation de l'époque les contacts entre musiciens noirs et blancs existaient, ce qui explique bien des "ponts" entre les différents styles musicaux.
Enfin, sans cette rencontre, John Hurt n'aurait probablement jamais enregistré de disque car c'est Willie Narmour qui dirigea le label Okeh vers lui.
Les sessions d'enregistrement de 1928
En 1928, Willie Narmour (qui deviendra célèbre pour le titre "Caroll County Blues" devenu depuis un standard de la musique country) remporta un concours de violon dont le premier prix était une séance d'enregistrement pour les disques Okeh. Le représentant du label, Tommy Rockwell, venant chercher Willie lui demanda si il ne connaissait pas d'autres bons musiciens de "vieille musique"… Le violoniste lui indiqua John Hurt et, après une courte audition, Tommy Rockwell fut enthousiasmé et emmena celui-ci à Memphis pour enregistrer!
Le 14 Février 1928, John Hurt enregistra huit titres, dont "Frankie" et "Nobody's Dirty Business" qui sortirent en 78 Tours sous la référence OKEH 8560 Tours (les six autres titres enregistrés n'ont jamais été retrouvés…). C'est à cette occasion que John Smith Hurt devint, à son insu, Mississippi John Hurt! A noter que le préposé au classement des disques OKEH rangea d'abord le disque dans la catégorie "Old Songs" à destination des blancs (musique Hillbilly) avant de se rendre compte de son erreur et de le mettre en "Race Record" pour le public noir. Cette anecdote en dit long sur la difficulté à classer la musique de John Hurt dans une boîte!
Le disque, distribué dans le circuit des Race Records (disques bons marchés à destination des noirs-américains) ne remporta aucun succès… mais Rockwell était persuadé que sa "découverte" pouvait faire vendre des disques, alors il le fit venir à New-York ce coup-ci, pour deux nouvelles séances d'enregistrement où John Hurt enregistra quatre titres le 21 Décembre 1928 (Ain't No Tellin', Louis Collins, Avalon Blues, Candy Man Blues) puis huit autres titres ( Blessed Be The Name, Praying On The Old Camp Ground, Blue Harvest Blues, Stack O Lee Blues, Spike Driver Blues, Big Leg Blues, Got The Blues Can't Be Satisfied, plus unenregistrement "perdu") le 28 Décembre 1928.
C'est pendant la première séance que la rencontre improbable eût lieu avec Lonnie Johnson (le vrai, car Hurt avait déjà rencontré un homme se faisant passer pour le célèbre bluesman à Memphis) qui lui donna quelques conseils, notamment de jouer plus grave son "Candy Man"! Ensuite, et malheureusement sans enregistrement, John Hurt à la guitare et Lonnie Johnson au piano jouèrent quelques morceaux! Pendant une semaine, les deux amis ne se quittèrent pas, se promenant à New York, jouant ensemble et faisant la fête.
John Hurt fut bien sûr époustouflé par le studio d'enregistrement et la "grande ville", mais il n'eût qu'une hâte: retourner à Avalon, retrouver sa terre et sa femme Jessie.
Le retour à l'anonymat
Les 78 tours de Mississippi John Hurt enregistrés à New York n'eurent pas plus de succès que le premier… il ne s'en vendit que quelques centaines d'exemplaires. Pourquoi? Sans doutes parce que déjà, en 1929, les chansons qu'interprète John Hurt sont "démodées"… Le public noir-américain demande de la nouveauté, du blues tel que celui de Lonnie Johnson, ou Tommy Johnson, Blind Boy Fuller, Big Bill Broonzy, Tampa Red, Leroy Carr, … or Mississippi John Hurt représente déjà un style ancien (même si il avait encore un public). Mississippi John Hurt est un songster, un ménestrel à l'ancienne, chantre de l' "old time", pas un bluesman déchiré ayant vendu son âme au diable ou au contraire prêchant avec force pour un monde meilleur.
Peut-être qu'avec le temps le succès serait venu (qui sait?), mais la crise de Septembre 1929 vit s'écrouler le marché du disque, et en premier lieu celui des Race Records, le public noir (le plus pauvre) étant le premier touché par la récession.
Il est même quasiment certain que, sans la crise, John Hurt aurait continué sa carrière discographique, car on sait que le titre "Richland Woman Blues" enregistré en 1963 avait en fait été appris par John Hurt en 1929, à la demande de William Meyers qui devait l'enregistrer sur son propre label… Il est probable que ce titre (au thème et à la musique bien éloigné du blues!) soit une composition de William Meyers, et que le projet capota en raison de la crise.
La carrière discographique de John Hurt à peine amorcée stoppa nette, mais ça ne l'affecta pas plus que ça et il continua sa vie de paysan et père de famille, tout en continuant à être le songster attitré de la région d' Avalon, Carollton et Greenwood, sans doute auréolé d'avoir enregistré des disques à New York. Il continue à animer les fêtes chez les blancs comme chez les noirs et joue souvent avec le violoniste Lee Anderson.
Pendant la Grande Dépression, il travaille une semaine sur deux, pour la WPA, abattant des arbres et construisant des digues, et l'autre semaine il s'occupe de sa ferme. Vers 1945 il déménage sur la colline, à la troisième boîte aux lettres (A.R. Perkins' Land, Avalon) où il élève des vaches, cultive sa terre et fait office de rémouleur.
C'est là que, en 1963, il fut miraculeusement retrouvé. Mais ce n'était pas lui qui avait disparu, ce sont les autres qui l'avaient oublié… Rockwell, le prospecteur des disques Okeh, avait eu raison: John Hurt devait un jour ou l'autre rencontrer le succès. Ce qu'il n'avait pas prévu, c'est qu'il faudrait attendre 35 ans pour que John Hurt soit enfin reconnu!
La (re)-découverte
En 1963, soit 35 ans après les sessions de 1928 et alors que tout le monde croyait mort le songster, Tom Hawskins et Mike Stewart, deux jeunes passionnés, écoutèrent attentivement "Avalon Blues" où John Hurt chante les bienfaits de son village ("Avalon my home town, always on my mind, Pretty mama's in Avalon, want me there all the time") et se mirent à chercher si il existait un village de ce nom au Mississippi. Rien. Ce fut finalement sur un vieil atlas de 1878 qu'ils découvrirent un minuscule point nommé Avalon, quelque part entre Greenwood et Grenada. Pleins d'espoir, ils prirent la route et en effet trouvèrent le village d'Avalon, qui n'avait plus qu'une épicerie et une maison. Ils demandèrent à un passant si il connaissait un certain John Hurt. Bien sûr qu'il connaissait ! "Il habite à un mile d'ici, à la troisième boîte aux lettres en haut de la colline". Après avoir compté les boîtes aux lettres, les deux hommes virent un vieil homme en train de conduire un tracteur au milieu d'un champs de maïs.
- John Hurt ?
- Yes…
Là, les témoignages divergent: on ne sait pas si les deux jeunes fans s'élevèrent en lévitation ou au contraire si un violent coup de massue les enfonça sous terre!! Quand ils racontèrent à John Hurt que ses enregistrements de 1928 remportaient un énorme succès et qu'il était l'idole de toute une bande de yankees, celui-ci n'en crut pas un mot, persuadé qu'en fait il avait affaire à deux policiers du FBI qui voulaient l'embobiner… A la question "Est-ce que vous jouez encore de la guitare?", il répondit oui, ce qui sembla les ravir. Quand ils lui demandèrent si il pouvait venir à Washington, il répondit également oui, persuadé que de toute façon les policiers l'y emmèneraient de force si il refusait !
C'est ainsi que quelques jours plus tard, Mississippi John Hurt se retrouva en train de jouer de la guitare dans les clubs folks de Washington! Tom Hoskins enregistra 39 chansons de John Hurt pour son label créé pour l'occasion (Piedmont, LP "Volume 1 of a Legacy") et la nouvelle se répandit dans les médias: on avait retrouvé Mississippi John Hurt !!!
Il donna son premier grand concert à 69 ans, en Juillet 1963, au Newport Folk Festival. Le succès vint aussitôt et un mois plus tard il triomphait au Philadelphia Folk Festival. Il devint rapidement un héros "culturel", la coqueluche des festivals folks, le grand-père de tous les apprentis guitaristes qui buvaient ses paroles et s'imprégnaient de son jeu de guitare!
Le triomphe
Après la fameuse séance d'enregistrement pour le label Piedmont en Mars 1963 puis le festival de Philadelphia, Mississippi John Hurt continua pendant trois ans à enregistrer de nombreux disques et à se produire devant un public de blancs qui l'adulaient.
Parmi ces jeunes fans, on trouve des musiciens tels que Taj Mahal, Bob Dylan, Rory Block, Stefan Grossman (qui devint l' "élève" de John Hurt et est sans doute un de ceux qui a le plus décortiqué et compris son style).
Non seulement ils trouvèrent un guitariste et chanteur hors pair qui n'avait jamais cessé de perpétuer la tradition des songsters du début du siècle, mais en plus ils découvraient un homme à la sagesse et à la philosophie toute pleine de bon sens terrien, de gentillesse et d'humour. Les anecdotes sur cette époque sont légions et montrent l'étonnement des jeunes blancs face au patriarche noir autant que celui du petit paysan d'Avalon face aux intellectuels de la Côte Est des Etats-Unis…
John Hurt recevait comme un don du ciel l'amour qui soudain l'entourait ("je voudrais que tout le monde sur terre m'aime comme j'aime tout le monde sur cette terre…"), et c'est de bon cœur qu'il prodiguait ses conseils sur la guitare et sur la vie.
Les revenus de ses disques et concerts, ainsi que son contrat de résidant de l' Ontario Place Coffehouse lui permirent de s'acheter une maison à Grenada (près d' Avalon, bien sûr). Il quitta New York où il avait emménagé avec sa femme et deux petits enfants, et s'installa dans sa nouvelle maison. Après un dernier voyage à New York pour une séance qui lui fut assez pénible (les gens se battaient presque dans le studio pour contrôler l'enregistrement…), il y mourut dans son lit, le 2 Novembre 1966. John Hurt est enterré à Avalon, Saint James Cemetery.
Influence directe ou indirecte, Mississippi John Hurt a marqué le mouvement folk et blues des années 60 et il est encore souvent cité comme référence par des musiciens ne l'ayant jamais connu. Pourtant il n'a jamais vraiment fait d'émules revendiquant son style à 100%… son influence est pourtant énorme, sous-jacente ou plus évidente.
J'ai trouvé cette bio de ce génial musicien sur ce site : http://latailla.club.fr/JohnHurt/MJHpage.html
C'est en 1952 que sortit "Anthology of American Folk Music" (un coffret de six 33 Tours), publié par Harry Smith. Cette anthologie marqua le début de ce qu'on allait appeler plus tard le folk boom des années 60, permettant aux américains blancs de découvrir avec passion que leur pays avait dés les années 20 et 40 une culture musicale impressionnante (blues, Hillbilly, cajun, mexicain, etc)
Dans ce LP, 2 titres étaient interprétés par un certain Mississippi John Hurt ("Frankie" et "Spike Driver Blues") qui forcèrent l'admiration de tous les auditeurs. Jeu de guitare picking léger et délié, voix calme et profonde… On ne savait rien de ce chanteur-guitariste, si ce n'est qu'il venait probablement du Mississippi (vu son nom !) et qu'il était noir (ces 78 Tours avaient été vendu en Race Record), mais sa façon de chanter et de jouer de la guitare ne ressemblait à rien de ce qui avait été enregistré dans cette région à cette époque (1928). D'autres titres de John Hurt circulèrent sous le manteau ou furent réédités, et nombre de musiciens cherchaient à comprendre et imiter le style de ce guitariste entré dans la légende du milieu folk américain.
Le mystère était total, et semblait devoir le rester car une chose était quasiment sûre : N'ayant aucune trace de John Hurt, tout le monde le pensait mort comme la plupart des musiciens ayant enregistré à cette époque.
Pourtant, Mississippi John Hurt allait être redécouvert, 35 ans après ces fameux enregistrements de 1928…
Sa vie
Né de Isom Hurt et de Mary Jan McCain le 8 Mars 1892, à Teoc, Caroll County, Mississippi, USA, John Smith Hurt fait partie d'une famille de dix enfants (sept frères plus âgés et deux sœurs) vivant des maigres revenus de la ferme dont le père est métayer.
Arrivé à Avalon (Carroll County, Mississippi, USA, petit bourg d'une centaine d'âme où John Hurt passa quasiment toute sa vie) en 1902, les rares loisirs y étaient les soirées animées par des musiciens itinérants où des musiciens locaux tels William Henry Carson
Ses premiers contacts avec la musique eurent lieu à l'église et à neuf ans, il se voit offrir par sa mère une guitare (sa famille aimait la musique, même si elle ne comptait pas de musicien parmi elle). Il apprend alors à reproduire sur l'instrument ce qu'il entend "dans sa tête", c'est à dire les chansons des songsters où ceux des travailleurs agricoles et des ouvriers des chemins de fer.
Quand son père décède (1902), il quitte l'école et aide sa mère à la ferme pour cultiver le coton, le maïs et les pommes de terre. Pour rapporter plus d'argent à sa famille, il se fait parfois engager comme ouvrier agricole dans une ferme voisine.
Mais en attendant, pour gagner agréablement de l'argent, ce que préfère John Hurt c'est bien sûr de jouer de la musique. Il s'est forgé un style de guitare personnel et sa réputation de chanteur et conteur va grandissante dans les environs. Il est appelé à animer des fêtes chez les noirs et les blancs, seul ou en groupe.
Après un premier mariage suivi d'un divorce, John Hurt se marie en 1927 avec Jessie, qui restera sa compagne aimée jusqu'à la fin de ses jours et lui donna 14 enfants.
A partir de 1923, son voisin Willie Narmour, un violoniste blanc, fait souvent appel à John Hurt pour remplacer son partenaire habituel, le guitariste Shell Smith, pour animer des "Square Dance". Dans ces cas là, John Hurt abandonne bien sûr son style finger-picking pour assurer la rythmique en flat-picking. Cette anecdote est importante, car outre le fait qu'elle nous prouve d'une part que John Hurt était déjà un musicien réputé, et d'autre part qu'il savait s'adapter à différents styles de musique, ici la country. Elle nous montre aussi que malgré la ségrégation de l'époque les contacts entre musiciens noirs et blancs existaient, ce qui explique bien des "ponts" entre les différents styles musicaux.
Enfin, sans cette rencontre, John Hurt n'aurait probablement jamais enregistré de disque car c'est Willie Narmour qui dirigea le label Okeh vers lui.
Les sessions d'enregistrement de 1928
En 1928, Willie Narmour (qui deviendra célèbre pour le titre "Caroll County Blues" devenu depuis un standard de la musique country) remporta un concours de violon dont le premier prix était une séance d'enregistrement pour les disques Okeh. Le représentant du label, Tommy Rockwell, venant chercher Willie lui demanda si il ne connaissait pas d'autres bons musiciens de "vieille musique"… Le violoniste lui indiqua John Hurt et, après une courte audition, Tommy Rockwell fut enthousiasmé et emmena celui-ci à Memphis pour enregistrer!
Le 14 Février 1928, John Hurt enregistra huit titres, dont "Frankie" et "Nobody's Dirty Business" qui sortirent en 78 Tours sous la référence OKEH 8560 Tours (les six autres titres enregistrés n'ont jamais été retrouvés…). C'est à cette occasion que John Smith Hurt devint, à son insu, Mississippi John Hurt! A noter que le préposé au classement des disques OKEH rangea d'abord le disque dans la catégorie "Old Songs" à destination des blancs (musique Hillbilly) avant de se rendre compte de son erreur et de le mettre en "Race Record" pour le public noir. Cette anecdote en dit long sur la difficulté à classer la musique de John Hurt dans une boîte!
Le disque, distribué dans le circuit des Race Records (disques bons marchés à destination des noirs-américains) ne remporta aucun succès… mais Rockwell était persuadé que sa "découverte" pouvait faire vendre des disques, alors il le fit venir à New-York ce coup-ci, pour deux nouvelles séances d'enregistrement où John Hurt enregistra quatre titres le 21 Décembre 1928 (Ain't No Tellin', Louis Collins, Avalon Blues, Candy Man Blues) puis huit autres titres ( Blessed Be The Name, Praying On The Old Camp Ground, Blue Harvest Blues, Stack O Lee Blues, Spike Driver Blues, Big Leg Blues, Got The Blues Can't Be Satisfied, plus unenregistrement "perdu") le 28 Décembre 1928.
C'est pendant la première séance que la rencontre improbable eût lieu avec Lonnie Johnson (le vrai, car Hurt avait déjà rencontré un homme se faisant passer pour le célèbre bluesman à Memphis) qui lui donna quelques conseils, notamment de jouer plus grave son "Candy Man"! Ensuite, et malheureusement sans enregistrement, John Hurt à la guitare et Lonnie Johnson au piano jouèrent quelques morceaux! Pendant une semaine, les deux amis ne se quittèrent pas, se promenant à New York, jouant ensemble et faisant la fête.
John Hurt fut bien sûr époustouflé par le studio d'enregistrement et la "grande ville", mais il n'eût qu'une hâte: retourner à Avalon, retrouver sa terre et sa femme Jessie.
Le retour à l'anonymat
Les 78 tours de Mississippi John Hurt enregistrés à New York n'eurent pas plus de succès que le premier… il ne s'en vendit que quelques centaines d'exemplaires. Pourquoi? Sans doutes parce que déjà, en 1929, les chansons qu'interprète John Hurt sont "démodées"… Le public noir-américain demande de la nouveauté, du blues tel que celui de Lonnie Johnson, ou Tommy Johnson, Blind Boy Fuller, Big Bill Broonzy, Tampa Red, Leroy Carr, … or Mississippi John Hurt représente déjà un style ancien (même si il avait encore un public). Mississippi John Hurt est un songster, un ménestrel à l'ancienne, chantre de l' "old time", pas un bluesman déchiré ayant vendu son âme au diable ou au contraire prêchant avec force pour un monde meilleur.
Peut-être qu'avec le temps le succès serait venu (qui sait?), mais la crise de Septembre 1929 vit s'écrouler le marché du disque, et en premier lieu celui des Race Records, le public noir (le plus pauvre) étant le premier touché par la récession.
Il est même quasiment certain que, sans la crise, John Hurt aurait continué sa carrière discographique, car on sait que le titre "Richland Woman Blues" enregistré en 1963 avait en fait été appris par John Hurt en 1929, à la demande de William Meyers qui devait l'enregistrer sur son propre label… Il est probable que ce titre (au thème et à la musique bien éloigné du blues!) soit une composition de William Meyers, et que le projet capota en raison de la crise.
La carrière discographique de John Hurt à peine amorcée stoppa nette, mais ça ne l'affecta pas plus que ça et il continua sa vie de paysan et père de famille, tout en continuant à être le songster attitré de la région d' Avalon, Carollton et Greenwood, sans doute auréolé d'avoir enregistré des disques à New York. Il continue à animer les fêtes chez les blancs comme chez les noirs et joue souvent avec le violoniste Lee Anderson.
Pendant la Grande Dépression, il travaille une semaine sur deux, pour la WPA, abattant des arbres et construisant des digues, et l'autre semaine il s'occupe de sa ferme. Vers 1945 il déménage sur la colline, à la troisième boîte aux lettres (A.R. Perkins' Land, Avalon) où il élève des vaches, cultive sa terre et fait office de rémouleur.
C'est là que, en 1963, il fut miraculeusement retrouvé. Mais ce n'était pas lui qui avait disparu, ce sont les autres qui l'avaient oublié… Rockwell, le prospecteur des disques Okeh, avait eu raison: John Hurt devait un jour ou l'autre rencontrer le succès. Ce qu'il n'avait pas prévu, c'est qu'il faudrait attendre 35 ans pour que John Hurt soit enfin reconnu!
La (re)-découverte
En 1963, soit 35 ans après les sessions de 1928 et alors que tout le monde croyait mort le songster, Tom Hawskins et Mike Stewart, deux jeunes passionnés, écoutèrent attentivement "Avalon Blues" où John Hurt chante les bienfaits de son village ("Avalon my home town, always on my mind, Pretty mama's in Avalon, want me there all the time") et se mirent à chercher si il existait un village de ce nom au Mississippi. Rien. Ce fut finalement sur un vieil atlas de 1878 qu'ils découvrirent un minuscule point nommé Avalon, quelque part entre Greenwood et Grenada. Pleins d'espoir, ils prirent la route et en effet trouvèrent le village d'Avalon, qui n'avait plus qu'une épicerie et une maison. Ils demandèrent à un passant si il connaissait un certain John Hurt. Bien sûr qu'il connaissait ! "Il habite à un mile d'ici, à la troisième boîte aux lettres en haut de la colline". Après avoir compté les boîtes aux lettres, les deux hommes virent un vieil homme en train de conduire un tracteur au milieu d'un champs de maïs.
- John Hurt ?
- Yes…
Là, les témoignages divergent: on ne sait pas si les deux jeunes fans s'élevèrent en lévitation ou au contraire si un violent coup de massue les enfonça sous terre!! Quand ils racontèrent à John Hurt que ses enregistrements de 1928 remportaient un énorme succès et qu'il était l'idole de toute une bande de yankees, celui-ci n'en crut pas un mot, persuadé qu'en fait il avait affaire à deux policiers du FBI qui voulaient l'embobiner… A la question "Est-ce que vous jouez encore de la guitare?", il répondit oui, ce qui sembla les ravir. Quand ils lui demandèrent si il pouvait venir à Washington, il répondit également oui, persuadé que de toute façon les policiers l'y emmèneraient de force si il refusait !
C'est ainsi que quelques jours plus tard, Mississippi John Hurt se retrouva en train de jouer de la guitare dans les clubs folks de Washington! Tom Hoskins enregistra 39 chansons de John Hurt pour son label créé pour l'occasion (Piedmont, LP "Volume 1 of a Legacy") et la nouvelle se répandit dans les médias: on avait retrouvé Mississippi John Hurt !!!
Il donna son premier grand concert à 69 ans, en Juillet 1963, au Newport Folk Festival. Le succès vint aussitôt et un mois plus tard il triomphait au Philadelphia Folk Festival. Il devint rapidement un héros "culturel", la coqueluche des festivals folks, le grand-père de tous les apprentis guitaristes qui buvaient ses paroles et s'imprégnaient de son jeu de guitare!
Le triomphe
Après la fameuse séance d'enregistrement pour le label Piedmont en Mars 1963 puis le festival de Philadelphia, Mississippi John Hurt continua pendant trois ans à enregistrer de nombreux disques et à se produire devant un public de blancs qui l'adulaient.
Parmi ces jeunes fans, on trouve des musiciens tels que Taj Mahal, Bob Dylan, Rory Block, Stefan Grossman (qui devint l' "élève" de John Hurt et est sans doute un de ceux qui a le plus décortiqué et compris son style).
Non seulement ils trouvèrent un guitariste et chanteur hors pair qui n'avait jamais cessé de perpétuer la tradition des songsters du début du siècle, mais en plus ils découvraient un homme à la sagesse et à la philosophie toute pleine de bon sens terrien, de gentillesse et d'humour. Les anecdotes sur cette époque sont légions et montrent l'étonnement des jeunes blancs face au patriarche noir autant que celui du petit paysan d'Avalon face aux intellectuels de la Côte Est des Etats-Unis…
John Hurt recevait comme un don du ciel l'amour qui soudain l'entourait ("je voudrais que tout le monde sur terre m'aime comme j'aime tout le monde sur cette terre…"), et c'est de bon cœur qu'il prodiguait ses conseils sur la guitare et sur la vie.
Les revenus de ses disques et concerts, ainsi que son contrat de résidant de l' Ontario Place Coffehouse lui permirent de s'acheter une maison à Grenada (près d' Avalon, bien sûr). Il quitta New York où il avait emménagé avec sa femme et deux petits enfants, et s'installa dans sa nouvelle maison. Après un dernier voyage à New York pour une séance qui lui fut assez pénible (les gens se battaient presque dans le studio pour contrôler l'enregistrement…), il y mourut dans son lit, le 2 Novembre 1966. John Hurt est enterré à Avalon, Saint James Cemetery.
Influence directe ou indirecte, Mississippi John Hurt a marqué le mouvement folk et blues des années 60 et il est encore souvent cité comme référence par des musiciens ne l'ayant jamais connu. Pourtant il n'a jamais vraiment fait d'émules revendiquant son style à 100%… son influence est pourtant énorme, sous-jacente ou plus évidente.
J'ai trouvé cette bio de ce génial musicien sur ce site : http://latailla.club.fr/JohnHurt/MJHpage.html
bluesyheart- Deep South
- Nombre de messages : 117
Date d'inscription : 18/11/2005
Re: Mississippi John Hurt
passionnant ...
dans la partie "video et mp3" il y a quelques mp3 de Mississippi John Hurt
dans la partie "video et mp3" il y a quelques mp3 de Mississippi John Hurt
Re: Mississippi John Hurt
un grand très grand j'ai quelques morceaux de lui sur une anthologie du blues....
uen grande influence en guitare acoustique pour moi...
uen grande influence en guitare acoustique pour moi...
Invité- Invité
Re: Mississippi John Hurt
ouais c dommage qu'on le connaisse pas bien aujhourdhui
bluesyheart- Deep South
- Nombre de messages : 117
Date d'inscription : 18/11/2005
Re: Mississippi John Hurt
Louis Collins
En plus des mp3s qui sont disponibles dans la partie vidéos et mp3, en voici un autre libre de droits
http://ia200114.eu.archive.org/2/audio/Collins/LouisCollins.mp3
En plus des mp3s qui sont disponibles dans la partie vidéos et mp3, en voici un autre libre de droits
http://ia200114.eu.archive.org/2/audio/Collins/LouisCollins.mp3
Re: Mississippi John Hurt
Merci pour cette superbe biographie...çà fait des années que je la connais par coeur mais c'est toujours avec plaisir et émotion que je me replonge dedans...John Hurt est vraiment un des Pères de mon Blues....C'est avec ses chansons que je me suis mis à chanter, il y a dix ans...Ces titres se prêtent bien au chant car la mélodie vocale suit celle de la guitare sur nombre d'entre eux...celà facilite la tache...Ma première chanson était "Blessed be the name"...Presque un petit gospel...Tu sens en écoutant sa musique que l'homme était bon...
Voilà...Merci encore.
Phil.
Voilà...Merci encore.
Phil.
Re: Mississippi John Hurt
Merci Bluesyheart pour cette excellente chronique cela fait plaisir de redécouvrir des artistes fondateurs. Je pense que certains bluesmen actuels comme Eric Bibb et Keb'Mo lui doivent beaucoup quand a leur style.
J'aime beaucoup ce bluesman pour sa voix calme et envoutante ainsi que son picking finalement très folk plus que blues.
Jipes
J'aime beaucoup ce bluesman pour sa voix calme et envoutante ainsi que son picking finalement très folk plus que blues.
Jipes
Re: Mississippi John Hurt
c'était un vrai conteur à l'ancienne qui ne faisait pas que chanter et jouer mais construisait ses titres comme autant d'histoires.
j'ai eu l'occasion d'écouter quelques concerts, entre chaque morceau il y a une petite présentation personnelle, un peu comme s'il était à la maison et qu'il ne jouait que pour l'auditeur qui l'écoute.
j'ai eu l'occasion d'écouter quelques concerts, entre chaque morceau il y a une petite présentation personnelle, un peu comme s'il était à la maison et qu'il ne jouait que pour l'auditeur qui l'écoute.
Re: Mississippi John Hurt
Deux vidéos de MJH : ce sont des reprises de Pete Seeger
You're Going To Walk That Lonesome Valley
Spike Driver Blues
You're Going To Walk That Lonesome Valley
Spike Driver Blues
Re: Mississippi John Hurt
Jungleland a écrit:Deux vidéos de MJH : ce sont des reprises de Pete Seeger
You're Going To Walk That Lonesome Valley
Spike Driver Blues
Excellente vidéos une est en fait John Henry ou Take this hammer. Fantastic jeu en picking et surtout cette voix si particulière c'est très grand !
Jipes
Re: Mississippi John Hurt
voici une adresse qui devrait vous intéresser : http://www.msjohnhurtmuseum.com/
il s'agit de la fondation Mississippi John Hurt et du musée. Vous y trouverez une bio, des infos et des photos
et surtout une partie musique très intéressante : des tablatures (téléchargeables et visualisables avec un logiciel également téléchargeable) de nombreux textes ainsi que leur explication ( ) des explications sur le style de jeu de Mississippi John Hurt etc ...
il s'agit de la fondation Mississippi John Hurt et du musée. Vous y trouverez une bio, des infos et des photos
et surtout une partie musique très intéressante : des tablatures (téléchargeables et visualisables avec un logiciel également téléchargeable) de nombreux textes ainsi que leur explication ( ) des explications sur le style de jeu de Mississippi John Hurt etc ...
Re: Mississippi John Hurt
Une pointure trop vite oubliée... A mon avis ca lui ferait tout drôle de savoir qu' au XXI siècle ça musique ridimentaire mais tellement envoûtante continue de vivre dans le coeur de certains irréductibles passionnés
RIP John
RIP John
tix- Deep South
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Re: Mississippi John Hurt
On voit des images d'archives de lui dans Devil's Fire de Charles Burnet où il joue devant un jeune publique : très touchant (rhaaaa les veinards )
Un extrait (pas assez long) du Candy Man de john :
http://fr.youtube.com/watch?v=iXNfbnMFoGE
Pour les veinards qui comprennent bien l'anglais :
http://fr.youtube.com/watch?v=7Unj_uU9tbs&mode=related&search=
Un extrait (pas assez long) du Candy Man de john :
http://fr.youtube.com/watch?v=iXNfbnMFoGE
Pour les veinards qui comprennent bien l'anglais :
http://fr.youtube.com/watch?v=7Unj_uU9tbs&mode=related&search=
tix- Deep South
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Re: Mississippi John Hurt
un petit hommage à Mississippi John Hurt en ce jour anniversaire de sa naissance
https://www.youtube.com/watch?v=l3tm2qxpDBc
https://www.youtube.com/watch?v=l3tm2qxpDBc
Re: Mississippi John Hurt
Jungleland a écrit:un petit hommage à Mississippi John Hurt en ce jour anniversaire de sa naissance
https://www.youtube.com/watch?v=l3tm2qxpDBc
Joli hommage
Re: Mississippi John Hurt
Pour ceux qui veulent tout savoir sur Mississippi John Hurt voici le site qu'il vous faut : https://www.mississippijohnhurtnews.com/Home.html
Il a été créé par le petit neveu de MJH que je "connais" du temps où je fréquentais le Blindman's Blues Forum. Si la partie site est très restreinte le forum est l'endroit où poser toutes les questions qu'on veut, et trouver toutes les réponses, sur des détails de la vie de MJH puisqu'il l'a connu, les albums, les chansons etc ...
Il a été créé par le petit neveu de MJH que je "connais" du temps où je fréquentais le Blindman's Blues Forum. Si la partie site est très restreinte le forum est l'endroit où poser toutes les questions qu'on veut, et trouver toutes les réponses, sur des détails de la vie de MJH puisqu'il l'a connu, les albums, les chansons etc ...
Re: Mississippi John Hurt
Tiens, ce bonhomme-là me dit quelque chose, mais quoi donc déjà ?
Je ne savais pas qu'il y avait autant d'albums de MJH, sans doute des doublons là-dedans.
Mais je ne reconnais pas le mien ! M'aurais-tu refilé un fake, Jungle ?
Je ne savais pas qu'il y avait autant d'albums de MJH, sans doute des doublons là-dedans.
Mais je ne reconnais pas le mien ! M'aurais-tu refilé un fake, Jungle ?
Be-Bop Tango- Chicago Hero
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Re: Mississippi John Hurt
Mais c'est parce que tu le vaut bien, chef !
Pis c'est comme ça qu'il faut écrire :
Bon sérieusement, y-a-t-il un album dans cette liste que tu nous recommanderais de MJH, en plus des 1928 sessions ?
Pis c'est comme ça qu'il faut écrire :
Bon sérieusement, y-a-t-il un album dans cette liste que tu nous recommanderais de MJH, en plus des 1928 sessions ?
Be-Bop Tango- Chicago Hero
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Re: Mississippi John Hurt
je ne sais pas, c'est une collection personnelle et je pense que bon nombre d'entres eux n'ont pas été réédités
Re: Mississippi John Hurt
Tiens, j'écoute
justement...
justement...
Flovia- The voice of Bluesland
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