The Jimi Hendrix Experience : Electric Ladyland (1968)
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The Jimi Hendrix Experience : Electric Ladyland (1968)
Electric Ladyland (1968)
Face A
1. ... And The Gods Made Love
2. Have You Ever Been (To Electric Ladyland)
3. Crosstown Traffic
4. Voodoo Chile
Face B
1. Little Miss Strange (Noel Redding)
2. Long Hot Summer Night
3. Come On (Part One) (Earl King)
4. Gypsy Eyes
5. Burning Of The Minight Lamp
Face C
1. Rainy Day, Dream Away
2. 1983... (A Merman I Should Turn To Be)
3. Moon, Turns The Tides... Gently, Gently away
Face D
1. Still Raining, Still Dreaming
2. House Burning Down
3. All Along The Watchtower (Bob Dylan)
4. Voodoo Child (Slight Return)
…Et les dieux firent l’amour : de cette étreinte naquit Jimi Hendrix, qui leur rendit au centuple, en leur offrant "Electric Ladyland".
Pour la première fois, Hendrix est véritablement aux commandes, même si, perfectionniste pointilleux, il reviendra de manière mitigée sur son rôle de producteur : c’était "plutôt Eddie Kramer et moi. Mon rôle était d’être là, de m’assurer que les bonnes chansons étaient là et que le bon son était là. On cherchait un son particulier. Malheureusement, on l’a perdu, car on est parti en tournée avant d’avoir fini. J’ai entendu le disque et je trouve le son un peu brumeux."
Le Band Of Gypsys ne trouvera pas plus grâce à ses yeux.
"Je l’ai observé en studio pendant qu’il faisait "Electric Ladyland". Il allumait les amplis, il avait une paire de Marshall, et c’est tout. Les pistes initiales étaient déjà réalisées, et c’était étonnant de le voir travailler. (…) Il travaillait sur les vocaux et les re-recordings de guitare pour "House Is Burning Down", et le même soir, il avait jammé avec Stevie Winwood, de Traffic, avec pour résultat ce long blues..."
Comme Larry Coryell le souligne ici, Hendrix tire au maximum profit des progrès technologiques hallucinants de l’époque : "Electric Ladyland" est le premier album enregistré sur un 16 pistes, laissant à son créateur une liberté orchestrale alors inespérée.
La première plage, "…And The Gods Made Love", est une extrapolation électroacoustique où le studio devient l’instrument. Introduction révolutionnaire au titre "Have You Ever Been (To Electric Ladyland)", une ode à l’amour de sa vie, la Fender Stratocaster standard de droitier. Il a son type de guitare comme certains ont un type de femme. Hendrix taquine la basse… et il est important de noter que Redding passa plus de temps dans les pubs avoisinants à boire de la bière qu’à enregistrer…
Hendrix revient à ses racines : la soul d’un Curtis Mayfield, voire d’un Marvin Gaye. Il assume enfin son chant, et ses parties de guitares sont magnifiques : Little Winguienne en rythmique (si on peut encore appeler ça de la rythmique !), la partie soliste évite les écueils harmoniques faciles.
Selon Jimi, les singles sortaient pour rapporter du fric. "On a fait un LP parfaitement agencé, et tout à coup, ils sortent "Crosstown Traffic" en single, et ça vient de nulle part, d’un tout autre truc. Tu vois, ce LP a été pensé d’une certaine manière, l’ordre des titres correspond à certaines raisons. Alors, c’est un péché pour eux de sortir quelque chose de ça qui serait représentatif de ce qu’on fait en ce moment. Tout ça parce qu’ils veulent faire plus d’argent. En plus, ils sortent toujours les mauvais."
Pour autant, "Crosstown Traffic" est une décharge funky-rock-pop de la meilleure facture. La batterie de Mitch Mitchell propulse littéralement le titre. Pour l’anecdote, les mélodies répondant au refrain sont jouées… au kazoo ! Et le chant de Jimi est tout simplement irrésistible ! Urbain en diable…
"On a souvent parlé de Son House et des vieux bluesmen, mais ce qui l’épatait, c’était les vieux disques de Muddy Waters et de John Lee Hooker où la guitare est énormément amplifiée et boostée par le studio pour lui donner une présence qu’elle n’avait pas en réalité. Il connaissait tout ça : on peut entendre tous les trucs de John Lee Hooker et Muddy Waters sur la version longue de "Voodoo Chile"." Mike Bloomfield
"Le flux énergétique allait de l’un à l’autre (NDR : Jimi et Steve Winwood). J’aurais bien voulu entrer là-dedans et jouer avec Jimi, mais il disait déjà tout, et un autre guitariste n’aurait fait qu’entraver son chemin. Sur cette prise, je me souviens qu’il utilisait sa wah wah. Il travaillait vraiment sa wah wah, et ce n’était pas uniquement un gimmick, c’est le premier à l’avoir abordée sérieusement et à y avoir passé des heures de pratique." Larry Coryell
"Voodoo Chile" est alors l’œuvre la plus magistrale jamais enregistrée par Jimi. Il part du blues, mais à l’image du texte onirique, sa guitare se fraye un chemin dans le fantastique.
La prestation de Winwood à l’orgue est tout simplement extraordinaire : il se hisse au niveau d’intensité de jeu développé par Jimi. Le drumming de Mitch libère les solistes dans une frénésie carrément jazz là où Jack Casady tente de recadrer une base rock pourtant lointaine. A l’image d’un John Coltrane quelques années plus tôt, Hendrix pousse le blues dans ses derniers retranchements, dépasse le genre… mais malheureusement le clôt. Hendrix, en puisant dans les racines les plus anciennes de la musique noire, paradoxalement, dépasse tous ces idiomes et rejoint la liberté des high energy players qui marquèrent ces années d’une fertilité à mon sens jamais retrouvée : John Coltrane, Pharoah Sanders, Albert Ayler…
Le titre suivant est une concession : "Little Miss Strange" est une composition de Noel Redding, qui a l’outrecuidance d’imposer en plus sa voix bien maigre. Et là, on se rend compte du génie de Jimi : partant de rien (la compo est proche du néant), il crée une symphonie pour guitares, réinventant chaque instant le morceau de Redding jusqu’à lui donner un sens. Des parties harmonisées du premier solo jusqu’à la valse finale, Hendrix prouve qu’en matière de rock, avec un interprète génial, on transforme le plomb en or.
"Long Hot Summer Night" s’éloigne à grands pas de la pop facile de Redding. Les harmonies sont autrement plus subtiles, voire difficiles pour un public rock. Composition originale, dans une large mesure injouable Live en power trio (ainsi que le reste de l’album, qui connaîtra une postérité scénique inférieure à "Are You Experienced", car trop compliqué ou injouable Live).
La composition, évolutive, est servie par de belles harmonies vocales et des ornements guitaristiques digne du maître.
Larry Coryell prétend avoir suggéré à Jimi de reprendre le "Come One (Let The Good Times Roll)" de Earl King. Cette première reprise est une décharge Live en studio d’une puissance à ce jour inégalée.
Le chant de Jimi n’a jamais été aussi efficace. Le solo atomise tout ce que les guitaristes de blues ont pu faire avant ou après lui. Même Stevie Ray Vaughan sera loin du compte dans sa reprise sur "Soul To Soul". Hendrix fait l’inventaire de son instrument, en trois cycles de douze mesures, il joue le solo blues ultime, insurpassable. Rythmiquement, c’est une véritable tuerie : Hendrix rebondit sur la fureur de l’Experience, parfois la rejoint… JOUISSIF.
"Gypsy Eyes"… ou comment Chas Chandler jeta l’éponge. Hendrix, peu conventionnel dans sa manière de travailler, conviait qui voulait bien venir dans le studio… où les ingénieurs du son devaient presque s’excuser de prendre leur place ! Pour autant, "Gypsy Eyes" est rempli d’une poésie, d’une force incroyable. La rythmique se suffirait à elle seule… mais Jimi nous gratifie de superbes parties solistes : un titre inoubliable.
"Burning Of The Midnight Lamp", qui clôt le premier disque, est en fait un vieux titre paru en single en août 1967 (couplé à "The Stars That Play With Laughing Sam's Dice").
La solitude est le thème de ce titre au développement harmonique travaillé.
La partie de clavecin, une merveille d’écriture, est jouée par Jimi. Le plan de sixtes joué sur la fin du titre fera l’objet de développements ultérieurs (sur "Night Bird Flying" par exemple).
Le disque 2 s’ouvre sur une ambiance jazz, que Jimi voulait proche du guitariste Kenny Burrell. Jimi affronte un sax (joué par Freddie Smith) dans une atmosphère de club enfumé. Buddy Miles, sans bassiste, assure le groove tranquille de "Rainy Day, Dream Away" avant… que le titre ne bascule dans un groove enflammée, avec une transition où Jimi fit le bonheur des possesseurs de chaînes stéréo de l’époque. A suivre… en dédut de face 4.
"1983… (A Merman I Should Turn To Be)"/"Moon, Turn The Tides… Gently Gently Away" est, avec "Voodoo Chile", l’autre titre majeur d’Electric Ladyland. Mais là où "Voodoo Chile" montrait Hendrix guitariste improvisateur, "1983" est le sommet de Jimi en tant qu'auteur/créateur/compositeur. Le texte est un des plus forts de toute sa carrière : il préfère renaître en Atlante plutôt que de vivre avec ses contemporains, dont la violence guerrière justifie son choix. La composition de "1983", avec ses accords en chromatismes descendants est une des plus brillantes, avec "Little Wing", de toute sa carrière. Même le solo est écrit cette fois : plage harmonisée en prélude à un boléro… nous menant à une longue plage modale (avec parties de guitares inversées en sus), que certains qualifieront (à tort) de psychédélique. Hendrix n’a jamais été aussi proche de Miles Davis. La batterie de Mitch Mitchell insuffle une liberté incroyable au solo méditatif, en son clair, de Jimi, parcouru de fulgurances hallucinées. Mais ce coup-ci, c'est Chris Wood de Traffic qui vient prêter main forte à Jimi.
Jimi nous honore d’un solo de basse pour le moins original, précédant un passage où sa guitare se fait violence avant de replonger (pour le coup !) dans l’ultime passage chanté du titre. Les guitares sursaturées balaient enfin tout sur leur passage, y compris les conventions musicales… et le titre se meurt comme une comète poursuivant son chemin dans l’infini.
La face D s’ouvre sur la suite de la jam avec Buddy Miles : "Still Raining, Still Dreaming". Hendrix a rajouté quelques voix pour rendre le titre plus présentable, mais c’est en fait un prétexte à une orgie guitaristique boostée en diable par l’orgue de Mike Finnegan. Pour ceux qui douteraient encore : Hendrix montre l’étendu de son génie instrumental avec une classe sans égal.
"Dans "House Is Burning Down", on a fait sonner la guitare comme si elle était en feu. Les dimensions changent constamment, et, tout en haut, cette guitare taille dans la masse." Jimi Hendrix
Le titre est une alternance étrange de rythmes tango sur les couplets et rock funky sur les refrains... où la sauce prend à merveille. La maîtrise des effets par Jimi est totale.
Suit la meilleure reprise de l’Histoire du rock : "All Along The Watchtower". D’un titre folk où l’harmonica se bat avec la guitare et le chant de Dylan, Hendrix réinvente le titre pour créer le plus lyrique qu’il n’ait jamais enregistré. Dave Mason joue la 12 cordes acoustique, et Jimi se charge de la basse une fois de plus. Chaque solo est un miracle en soi, mais le solo de guitare central montre Hendrix à son apogée : en son clair dans un premier temps, mélodique, il dévie sur une plage en slide méditative avant d’attaquer avec une wah wah plus agressive cédant la place un solo purement rythmique (en 9èmes pour les musiciens) en son clair : tout est dit.
Les qualités vocales de Jimi ont parfois été décriées : quel cinglant démenti à ceux qui prétendaient qu’il ne savait pas chanter !
"Pour "Voodoo Child (Slight Return)", ça s’est passé pendant un tournage. On a fait trois prises, car ils voulaient nous filmer en studio, le style : "Faites comme si vous étiez en train d’enregistrer les gars…" ce genre de plan tu vois… Donc, "OK, on y va en E, ah One, ah Two, ah Three" et on a fait "Voodoo Child"." Jimi Hendrix
Hendrix n’en plomba pas moins la plus célèbre intro rock… avant de nous faire sombrer dans une violence tellurique… où le blues de la version lente s’est mué en une déclaration définitive : Hendrix n’est pas de ce monde. Les esprits habitent son jeu, le transcendent… Jimi aborde sa propre mort dans un blues surréaliste, et son jeu est lui-même métaphysique. En comparaison des versions Live qui suivront, ce n’est pourtant qu’une mise en bouche.
Hendrix reconnaissait le rôle primordial de Mitch Mitchell, pour l’aspect free "parce que tout vient de là, de la batterie…"
"Electric Ladyland" est une œuvre d’espoir, marquant un renouveau artistique que jamais plus le Rock ne connaîtra. Il se transformera dramatiquement en simple apogée : c’est l’ultime album studio sorti par Jimi Hendrix.
L’aventure ne s’arrête dieu merci par là pour les amateurs du Maître : ce dernier sortira un unique Live, "Band Of Gypsys", et avancera dans une très large mesure sur son testament musical : "First Rays Of The New Rising Sun".
Face A
1. ... And The Gods Made Love
2. Have You Ever Been (To Electric Ladyland)
3. Crosstown Traffic
4. Voodoo Chile
Face B
1. Little Miss Strange (Noel Redding)
2. Long Hot Summer Night
3. Come On (Part One) (Earl King)
4. Gypsy Eyes
5. Burning Of The Minight Lamp
Face C
1. Rainy Day, Dream Away
2. 1983... (A Merman I Should Turn To Be)
3. Moon, Turns The Tides... Gently, Gently away
Face D
1. Still Raining, Still Dreaming
2. House Burning Down
3. All Along The Watchtower (Bob Dylan)
4. Voodoo Child (Slight Return)
…Et les dieux firent l’amour : de cette étreinte naquit Jimi Hendrix, qui leur rendit au centuple, en leur offrant "Electric Ladyland".
Pour la première fois, Hendrix est véritablement aux commandes, même si, perfectionniste pointilleux, il reviendra de manière mitigée sur son rôle de producteur : c’était "plutôt Eddie Kramer et moi. Mon rôle était d’être là, de m’assurer que les bonnes chansons étaient là et que le bon son était là. On cherchait un son particulier. Malheureusement, on l’a perdu, car on est parti en tournée avant d’avoir fini. J’ai entendu le disque et je trouve le son un peu brumeux."
Le Band Of Gypsys ne trouvera pas plus grâce à ses yeux.
"Je l’ai observé en studio pendant qu’il faisait "Electric Ladyland". Il allumait les amplis, il avait une paire de Marshall, et c’est tout. Les pistes initiales étaient déjà réalisées, et c’était étonnant de le voir travailler. (…) Il travaillait sur les vocaux et les re-recordings de guitare pour "House Is Burning Down", et le même soir, il avait jammé avec Stevie Winwood, de Traffic, avec pour résultat ce long blues..."
Comme Larry Coryell le souligne ici, Hendrix tire au maximum profit des progrès technologiques hallucinants de l’époque : "Electric Ladyland" est le premier album enregistré sur un 16 pistes, laissant à son créateur une liberté orchestrale alors inespérée.
La première plage, "…And The Gods Made Love", est une extrapolation électroacoustique où le studio devient l’instrument. Introduction révolutionnaire au titre "Have You Ever Been (To Electric Ladyland)", une ode à l’amour de sa vie, la Fender Stratocaster standard de droitier. Il a son type de guitare comme certains ont un type de femme. Hendrix taquine la basse… et il est important de noter que Redding passa plus de temps dans les pubs avoisinants à boire de la bière qu’à enregistrer…
Hendrix revient à ses racines : la soul d’un Curtis Mayfield, voire d’un Marvin Gaye. Il assume enfin son chant, et ses parties de guitares sont magnifiques : Little Winguienne en rythmique (si on peut encore appeler ça de la rythmique !), la partie soliste évite les écueils harmoniques faciles.
Selon Jimi, les singles sortaient pour rapporter du fric. "On a fait un LP parfaitement agencé, et tout à coup, ils sortent "Crosstown Traffic" en single, et ça vient de nulle part, d’un tout autre truc. Tu vois, ce LP a été pensé d’une certaine manière, l’ordre des titres correspond à certaines raisons. Alors, c’est un péché pour eux de sortir quelque chose de ça qui serait représentatif de ce qu’on fait en ce moment. Tout ça parce qu’ils veulent faire plus d’argent. En plus, ils sortent toujours les mauvais."
Pour autant, "Crosstown Traffic" est une décharge funky-rock-pop de la meilleure facture. La batterie de Mitch Mitchell propulse littéralement le titre. Pour l’anecdote, les mélodies répondant au refrain sont jouées… au kazoo ! Et le chant de Jimi est tout simplement irrésistible ! Urbain en diable…
"On a souvent parlé de Son House et des vieux bluesmen, mais ce qui l’épatait, c’était les vieux disques de Muddy Waters et de John Lee Hooker où la guitare est énormément amplifiée et boostée par le studio pour lui donner une présence qu’elle n’avait pas en réalité. Il connaissait tout ça : on peut entendre tous les trucs de John Lee Hooker et Muddy Waters sur la version longue de "Voodoo Chile"." Mike Bloomfield
"Le flux énergétique allait de l’un à l’autre (NDR : Jimi et Steve Winwood). J’aurais bien voulu entrer là-dedans et jouer avec Jimi, mais il disait déjà tout, et un autre guitariste n’aurait fait qu’entraver son chemin. Sur cette prise, je me souviens qu’il utilisait sa wah wah. Il travaillait vraiment sa wah wah, et ce n’était pas uniquement un gimmick, c’est le premier à l’avoir abordée sérieusement et à y avoir passé des heures de pratique." Larry Coryell
"Voodoo Chile" est alors l’œuvre la plus magistrale jamais enregistrée par Jimi. Il part du blues, mais à l’image du texte onirique, sa guitare se fraye un chemin dans le fantastique.
La prestation de Winwood à l’orgue est tout simplement extraordinaire : il se hisse au niveau d’intensité de jeu développé par Jimi. Le drumming de Mitch libère les solistes dans une frénésie carrément jazz là où Jack Casady tente de recadrer une base rock pourtant lointaine. A l’image d’un John Coltrane quelques années plus tôt, Hendrix pousse le blues dans ses derniers retranchements, dépasse le genre… mais malheureusement le clôt. Hendrix, en puisant dans les racines les plus anciennes de la musique noire, paradoxalement, dépasse tous ces idiomes et rejoint la liberté des high energy players qui marquèrent ces années d’une fertilité à mon sens jamais retrouvée : John Coltrane, Pharoah Sanders, Albert Ayler…
Le titre suivant est une concession : "Little Miss Strange" est une composition de Noel Redding, qui a l’outrecuidance d’imposer en plus sa voix bien maigre. Et là, on se rend compte du génie de Jimi : partant de rien (la compo est proche du néant), il crée une symphonie pour guitares, réinventant chaque instant le morceau de Redding jusqu’à lui donner un sens. Des parties harmonisées du premier solo jusqu’à la valse finale, Hendrix prouve qu’en matière de rock, avec un interprète génial, on transforme le plomb en or.
"Long Hot Summer Night" s’éloigne à grands pas de la pop facile de Redding. Les harmonies sont autrement plus subtiles, voire difficiles pour un public rock. Composition originale, dans une large mesure injouable Live en power trio (ainsi que le reste de l’album, qui connaîtra une postérité scénique inférieure à "Are You Experienced", car trop compliqué ou injouable Live).
La composition, évolutive, est servie par de belles harmonies vocales et des ornements guitaristiques digne du maître.
Larry Coryell prétend avoir suggéré à Jimi de reprendre le "Come One (Let The Good Times Roll)" de Earl King. Cette première reprise est une décharge Live en studio d’une puissance à ce jour inégalée.
Le chant de Jimi n’a jamais été aussi efficace. Le solo atomise tout ce que les guitaristes de blues ont pu faire avant ou après lui. Même Stevie Ray Vaughan sera loin du compte dans sa reprise sur "Soul To Soul". Hendrix fait l’inventaire de son instrument, en trois cycles de douze mesures, il joue le solo blues ultime, insurpassable. Rythmiquement, c’est une véritable tuerie : Hendrix rebondit sur la fureur de l’Experience, parfois la rejoint… JOUISSIF.
"Gypsy Eyes"… ou comment Chas Chandler jeta l’éponge. Hendrix, peu conventionnel dans sa manière de travailler, conviait qui voulait bien venir dans le studio… où les ingénieurs du son devaient presque s’excuser de prendre leur place ! Pour autant, "Gypsy Eyes" est rempli d’une poésie, d’une force incroyable. La rythmique se suffirait à elle seule… mais Jimi nous gratifie de superbes parties solistes : un titre inoubliable.
"Burning Of The Midnight Lamp", qui clôt le premier disque, est en fait un vieux titre paru en single en août 1967 (couplé à "The Stars That Play With Laughing Sam's Dice").
La solitude est le thème de ce titre au développement harmonique travaillé.
La partie de clavecin, une merveille d’écriture, est jouée par Jimi. Le plan de sixtes joué sur la fin du titre fera l’objet de développements ultérieurs (sur "Night Bird Flying" par exemple).
Le disque 2 s’ouvre sur une ambiance jazz, que Jimi voulait proche du guitariste Kenny Burrell. Jimi affronte un sax (joué par Freddie Smith) dans une atmosphère de club enfumé. Buddy Miles, sans bassiste, assure le groove tranquille de "Rainy Day, Dream Away" avant… que le titre ne bascule dans un groove enflammée, avec une transition où Jimi fit le bonheur des possesseurs de chaînes stéréo de l’époque. A suivre… en dédut de face 4.
"1983… (A Merman I Should Turn To Be)"/"Moon, Turn The Tides… Gently Gently Away" est, avec "Voodoo Chile", l’autre titre majeur d’Electric Ladyland. Mais là où "Voodoo Chile" montrait Hendrix guitariste improvisateur, "1983" est le sommet de Jimi en tant qu'auteur/créateur/compositeur. Le texte est un des plus forts de toute sa carrière : il préfère renaître en Atlante plutôt que de vivre avec ses contemporains, dont la violence guerrière justifie son choix. La composition de "1983", avec ses accords en chromatismes descendants est une des plus brillantes, avec "Little Wing", de toute sa carrière. Même le solo est écrit cette fois : plage harmonisée en prélude à un boléro… nous menant à une longue plage modale (avec parties de guitares inversées en sus), que certains qualifieront (à tort) de psychédélique. Hendrix n’a jamais été aussi proche de Miles Davis. La batterie de Mitch Mitchell insuffle une liberté incroyable au solo méditatif, en son clair, de Jimi, parcouru de fulgurances hallucinées. Mais ce coup-ci, c'est Chris Wood de Traffic qui vient prêter main forte à Jimi.
Jimi nous honore d’un solo de basse pour le moins original, précédant un passage où sa guitare se fait violence avant de replonger (pour le coup !) dans l’ultime passage chanté du titre. Les guitares sursaturées balaient enfin tout sur leur passage, y compris les conventions musicales… et le titre se meurt comme une comète poursuivant son chemin dans l’infini.
La face D s’ouvre sur la suite de la jam avec Buddy Miles : "Still Raining, Still Dreaming". Hendrix a rajouté quelques voix pour rendre le titre plus présentable, mais c’est en fait un prétexte à une orgie guitaristique boostée en diable par l’orgue de Mike Finnegan. Pour ceux qui douteraient encore : Hendrix montre l’étendu de son génie instrumental avec une classe sans égal.
"Dans "House Is Burning Down", on a fait sonner la guitare comme si elle était en feu. Les dimensions changent constamment, et, tout en haut, cette guitare taille dans la masse." Jimi Hendrix
Le titre est une alternance étrange de rythmes tango sur les couplets et rock funky sur les refrains... où la sauce prend à merveille. La maîtrise des effets par Jimi est totale.
Suit la meilleure reprise de l’Histoire du rock : "All Along The Watchtower". D’un titre folk où l’harmonica se bat avec la guitare et le chant de Dylan, Hendrix réinvente le titre pour créer le plus lyrique qu’il n’ait jamais enregistré. Dave Mason joue la 12 cordes acoustique, et Jimi se charge de la basse une fois de plus. Chaque solo est un miracle en soi, mais le solo de guitare central montre Hendrix à son apogée : en son clair dans un premier temps, mélodique, il dévie sur une plage en slide méditative avant d’attaquer avec une wah wah plus agressive cédant la place un solo purement rythmique (en 9èmes pour les musiciens) en son clair : tout est dit.
Les qualités vocales de Jimi ont parfois été décriées : quel cinglant démenti à ceux qui prétendaient qu’il ne savait pas chanter !
"Pour "Voodoo Child (Slight Return)", ça s’est passé pendant un tournage. On a fait trois prises, car ils voulaient nous filmer en studio, le style : "Faites comme si vous étiez en train d’enregistrer les gars…" ce genre de plan tu vois… Donc, "OK, on y va en E, ah One, ah Two, ah Three" et on a fait "Voodoo Child"." Jimi Hendrix
Hendrix n’en plomba pas moins la plus célèbre intro rock… avant de nous faire sombrer dans une violence tellurique… où le blues de la version lente s’est mué en une déclaration définitive : Hendrix n’est pas de ce monde. Les esprits habitent son jeu, le transcendent… Jimi aborde sa propre mort dans un blues surréaliste, et son jeu est lui-même métaphysique. En comparaison des versions Live qui suivront, ce n’est pourtant qu’une mise en bouche.
Hendrix reconnaissait le rôle primordial de Mitch Mitchell, pour l’aspect free "parce que tout vient de là, de la batterie…"
"Electric Ladyland" est une œuvre d’espoir, marquant un renouveau artistique que jamais plus le Rock ne connaîtra. Il se transformera dramatiquement en simple apogée : c’est l’ultime album studio sorti par Jimi Hendrix.
L’aventure ne s’arrête dieu merci par là pour les amateurs du Maître : ce dernier sortira un unique Live, "Band Of Gypsys", et avancera dans une très large mesure sur son testament musical : "First Rays Of The New Rising Sun".
Re: The Jimi Hendrix Experience : Electric Ladyland (1968)
Ouahhhh, qu'il est bien ce commentaire!
Ca me donne envie d'aller le réécouter encore une fois, et bien fort!!!
Ca me donne envie d'aller le réécouter encore une fois, et bien fort!!!
T.Jiel- ça marche pô chez moi
- Nombre de messages : 3381
Age : 68
Localisation : Le Mans
Date d'inscription : 26/09/2008
Re: The Jimi Hendrix Experience : Electric Ladyland (1968)
Electric Ladyland est pour moi le summum de ce que l'on peut faire avec une guitare. beaucoup s'y sont essayé et aucun n'est arrivé à une expression qui corresponde à ce qu'Hendrix faisait passer au travers de son instrument. J'ai un peu le même sentiment avec le blues, les notes, les instruments le rythme sont les mêmes, mais le petit truc n'y est pas.
Un chef d'œuvre, à l'égal de Sergent Peppers des Beatles dans un autre style.
Un chef d'œuvre, à l'égal de Sergent Peppers des Beatles dans un autre style.
Re: The Jimi Hendrix Experience : Electric Ladyland (1968)
D'accord avec toi sur toute la ligne OD !
T.Jiel- ça marche pô chez moi
- Nombre de messages : 3381
Age : 68
Localisation : Le Mans
Date d'inscription : 26/09/2008
Re: The Jimi Hendrix Experience : Electric Ladyland (1968)
Ha ben tient, je savais pas trop quoi écouter tout de suite, ce sera donc ce superbe album..
Merci Ayler.
Merci Ayler.
Dernière édition par François le Ven 21 Nov 2008 - 20:00, édité 1 fois
Invité- Invité
Re: The Jimi Hendrix Experience : Electric Ladyland (1968)
Anecdote amusante à propos de la pochette...
...
http://www.inside-rock.fr/Electric-Ladyland.html
...
...
http://www.inside-rock.fr/Electric-Ladyland.html
...
Invité- Invité
Re: The Jimi Hendrix Experience : Electric Ladyland (1968)
Cet article est grotesque : la pochette ne fut pas censurée aux USA. La pochette anglaise est ultérieure, et fut aussitôt vivement critiquée par Hendrix lui-même qui la trouvait ridicule.
Sinon, comme personne ne l'a signalé : "Electric Ladyland" a 40 ans !
Sinon, comme personne ne l'a signalé : "Electric Ladyland" a 40 ans !
Re: The Jimi Hendrix Experience : Electric Ladyland (1968)
pourtant même le Mag Rolling stone le dit..
...
http://www.rollingstonemag.fr/Electric-Ladyland_64.html
...
Mais bon, peu importe le flacon, on à l'ivresse..
...
http://www.rollingstonemag.fr/Electric-Ladyland_64.html
...
Mais bon, peu importe le flacon, on à l'ivresse..
Invité- Invité
Re: The Jimi Hendrix Experience : Electric Ladyland (1968)
Ayler a écrit:"Electric Ladyland" a 40 ans !
et ca n'a pas pris une ride, vraiment visionnaire ce disque.
Re: The Jimi Hendrix Experience : Electric Ladyland (1968)
MerciOld_Debris a écrit:un gamin.
Invité- Invité
Re: The Jimi Hendrix Experience : Electric Ladyland (1968)
La version française...François a écrit:pourtant même le Mag Rolling stone le dit..
Si tu commences à croire ce que disent les médias, tu devrais savoir que :
- Hendrix est une star du porno ;
- Il a enregistré l'hymne gallois ;
- Il est mort d'une overdose, tué par la CIA en accord avec son manager ;
- Son fils est Oussama Ben Laden.
Re: The Jimi Hendrix Experience : Electric Ladyland (1968)
Ayler a écrit:La version française...François a écrit:pourtant même le Mag Rolling stone le dit..
Si tu commences à croire ce que disent les médias, tu devrais savoir que :
- Hendrix est une star du porno ;
- Il a enregistré l'hymne gallois ;
- Il est mort d'une overdose, tué par la CIA en accord avec son manager ;
- Son fils est Oussama Ben Laden.
ils se sont meme gourés sur le titre d'une chanson...
Re: The Jimi Hendrix Experience : Electric Ladyland (1968)
C'est pas que je les crois, mais ça me paraissait plausible, vu l'Amérique puritaine de 1968....
Par contre l'histoire de lettre que Jimi aurai envoyer, là j'ai un gros doute....
Par contre l'histoire de lettre que Jimi aurai envoyer, là j'ai un gros doute....
Invité- Invité
Re: The Jimi Hendrix Experience : Electric Ladyland (1968)
La lettre à la maison de disque ? Pour le coup, Hendrix l'a bien écrite !
Re: The Jimi Hendrix Experience : Electric Ladyland (1968)
Superbe Chronique Ayler,on voit que tu maitrise le sujet.
Ma chanson préféré sur cet album reste 1983 (a merman I should turn to be) peut être même ma préféré de Hendrix avec peut être Bold as Love.
Sinon il me semble que le kazoo que l'on entend sur "Crosstown Traffic" Jimi l' a fabriqué en prenant un peigne en l'enroulant de Cellophane.
Ma chanson préféré sur cet album reste 1983 (a merman I should turn to be) peut être même ma préféré de Hendrix avec peut être Bold as Love.
Sinon il me semble que le kazoo que l'on entend sur "Crosstown Traffic" Jimi l' a fabriqué en prenant un peigne en l'enroulant de Cellophane.
Re: The Jimi Hendrix Experience : Electric Ladyland (1968)
Ce topic tourne au monument commémoratif au milieu du Forum, et c'est bien justifié par les connaisseurs
T.Jiel- ça marche pô chez moi
- Nombre de messages : 3381
Age : 68
Localisation : Le Mans
Date d'inscription : 26/09/2008
Re: The Jimi Hendrix Experience : Electric Ladyland (1968)
Bravo pour la chronique Ayler, on sent clairement le fan passionné qui maîtrise son sujet !
All Along The Watchtower ne prend vraiment pas une ride, et le plaisir est toujours aussi intense à son écoute !
J'ai toujours aussi bien aimé Come On : ah, la décharge d'adrénaline dans ce solo !
Allez, on va re-écouter tout ça fissa !
All Along The Watchtower ne prend vraiment pas une ride, et le plaisir est toujours aussi intense à son écoute !
J'ai toujours aussi bien aimé Come On : ah, la décharge d'adrénaline dans ce solo !
Allez, on va re-écouter tout ça fissa !
Be-Bop Tango- Chicago Hero
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Localisation : Paris
Date d'inscription : 30/06/2008
Re: The Jimi Hendrix Experience : Electric Ladyland (1968)
Yep, le dessinateur Druillet avait fait très fort sur ce coup-là !
Que devient-il d'ailleurs l'auteur de Lone Sloane ?
Que devient-il d'ailleurs l'auteur de Lone Sloane ?
Be-Bop Tango- Chicago Hero
- Nombre de messages : 1310
Localisation : Paris
Date d'inscription : 30/06/2008
Re: The Jimi Hendrix Experience : Electric Ladyland (1968)
Je pose ma question ici...
Connaissez-vous ce CD ( tribute) et qu'en pensez-vous..?
...
http://www.amazon.fr/Blue-Haze-Tribute-Jimi-Hendrix/dp/B00004XRLC
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Connaissez-vous ce CD ( tribute) et qu'en pensez-vous..?
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http://www.amazon.fr/Blue-Haze-Tribute-Jimi-Hendrix/dp/B00004XRLC
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Invité- Invité
Re: The Jimi Hendrix Experience : Electric Ladyland (1968)
Ah ça c'est de la chronique ! Du genre qui vous donne envie de ressortir le disque et de le réécouter illico presto.
Tu as raison Be-Bop, ça n'a vraiment pas pris une ride.
Tu as raison Be-Bop, ça n'a vraiment pas pris une ride.
Devil's Slide- Calembour ... bon
- Nombre de messages : 5284
Age : 65
Localisation : In the Deep South
Date d'inscription : 06/11/2007
Re: The Jimi Hendrix Experience : Electric Ladyland (1968)
Wahou!!! le prix de ce LP...
...
http://cgi.ebay.fr/ws/eBayISAPI.dll?ViewItem&item=260552044322
...
Ça vaut le coup d'avoir été soigneux avec ses vinyles
...
http://cgi.ebay.fr/ws/eBayISAPI.dll?ViewItem&item=260552044322
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Ça vaut le coup d'avoir été soigneux avec ses vinyles
Invité- Invité
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