Victor Démé ou le blues du Burkina Faso
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Victor Démé ou le blues du Burkina Faso
Permettez qu’aujourd’hui je vous présente un des artistes les plus intéressants d’Afrique : Victor Démé.
Sa musique, que l’on peut qualifier de folk-blues, s’est forgée au travers des épreuves qui ont jalonnées sa vie. Veuf depuis 2005 il élève trois de ses six filles dans un faubourg de Bobo-Dioulasso, la seconde ville du Burkina Faso. “Je n’ai jamais eu que ma guitare pour m’en sortir et ma machine à coudre” déclare Démé. Rien d’étonnant donc que le blues ait pris racine dans son coeur.
Victor grandi dans une famille de l’ethnie Marka, traditionnellement des couturier mandingues. Tout naturellement il suit la voie familiale. “Nous sommes tous des artistes” dit-t-il, signifiant par là que couture et musique requièrent de la technique et de l’inspiration.
Aminata Démé, sa mère, était l’une des griottes les plus renommée du lieu et lui a transmis ses talents vocaux. Tout enfant il apprend donc les techniques du chant auprès d’elle avant d’entrer en rebellion et de s’exiler en Côte d’Ivoire. Là bas se passe un autre évènement important dans sa vie puisque qu’il abandonne sa tradition musulmane pour embrasser la religion catholique. Il se fait baptiser sous le nom de Saïbu “Victor” Démé. Il s’établit ensuite à Abidjan où il rejoint l’atelier de couture de son père.
Parallèlement, dans les clubs ivoiriens, Victor se forge peu à peu une solide réputation en chantant au sein du fameux orchestre “Super Mandé” qui est mené par la star locale Abdoulaye Diabaté. Il enregistre même un premier album mais préfère pudiquement jetter un voile sur cette période car le disque ne paraitra jamais. En 1988 il revient au Burkina attiré par le nouvel élan qui agite le pays. Effectivement, sous la houlette du révolutionnaire président Thomas Sankara (qui finira tragiquement assassiné), la création artistique connait une période florissante. Victor gagne plusieurs micro-crochets et surtout, en 1989, le concours du Centre Culturel Français de Bobo-Dioulasso, organisé en partenariat avec FIP, ainsi que le Premier Prix de la Semaine Nationale de la Culture en 1990 et 1994. Il intègre ensuite successivement des grands orchestres, dont “l’Echo de l’Africa” et surtout le célèbre “Suprême Comenba” qui rythme les nuits de Ouagadougou. Pour gagner sa vie, il doit parfois se plier aux exigences des propriétaires des clubs en interprétant des classiques de Salif Keita, de Mory Kanté ou encore des standards salsa. L’Afrique de l’Ouest a toujours embrassé la musique latine, depuis le milieu du siècle dernier. Victor se souvient : “C’était le son de nos tantes et de nos tontons. On les voyait danser pendant les soirées, ces rythmes représentaient la fête, ils sont devenus naturels pour nous. Mais outre la salsa et le griottisme, ma base reste toujours l’afro-mandingue, le blues”.
Hélas, alors qu’il est devenu un chanteur adulé dans tout le pays, le destin va lui jouer un sale tour. Il est atteint d’un grave virus qui lui ronge les gencives (le “bamba demi”). Cela va lui valoir une interruption de chant qui va durer deux longues années, l’empêchant de graver sur un album les chansons qui ont forgé sa réputation. Victor évoque sobrement cette noire période : “À l’époque, il existait un seul studio d’enregistrement professionnel au Burkina, le studio Seydoni à Ouagadougou qui appartient à l’état, et qui coûte plusieurs dizaines de milliers de CFA par jour. Je n’ai jamais rencontré les bonnes personnes pour m’y inviter. Ensuite, quand la maladie m’est tombée dessus, j’ai cru qu’il était trop tard, que ma chance était passée. Alors je me suis remis à la couture”.
En 2004 le bon vent de la chance va commencer à chasser la poisse. Victor s’est lié d’amitié avec Camille Louvel, régisseur du “OuagaJungle”, un maquis associatif de Ouagadougou où s’organise moults concerts. Aussi, deux ans plus tard, il enregistre ensemble un album dans le modeste studio de la résidence d’artistes à Ouagadougou. L’endroit vaut la peine d’être décrit ; il s’agit simplement de deux pièces séparées par un pare-brise de camion et équipées d’une vieille console 16 pistes.
Ce manque de moyen n’effraie pas les deux compères qui se rappellent que certains de leurs disques préférés ont aussi été conçus dans des conditions rudimentaires, tel “Niafunké” d’Ali Farka Touré en Afrique ou “The Headphone Masterpiece” de Cody Chesnutt aux Etats-Unis. A 46 ans Victor enregistre donc un premier album loin des modes qui submergent alors les radios et les clubs du Burkina.
Son disque offre une mosaïque singulière de folk-blues poignant, de petites romances mandingues intimistes, et d’influences latines, salsa et flamenco. “Burkina Mousso” est un hommage à toutes les femmes burkinabés ayant construit ce pays de leurs mains. Ses textes appellent à la solidarité nationale “Peuple burkinabé”, prônent la tolérance envers son prochain “Djomaya”, et tissent des hymnes à la grâce féminine “Sab”. Le tout s’achève avec deux titres de Djourou Bambara, la musique traditionnelle de la région. Après l’enregistrement du disque, ses concerts donnés au Centre Culturel Français et dans les grands maquis de Ouagadougou lui prouvent que le public Burkinabé ne l’avait pas oublié. Victor déclare à propos de ces moments : “Je ne pensais pas pouvoir renaître ainsi musicalement”. Avec une partie de l’avance reçue pour ce disque il s’est acheté une nouvelle guitare... et une nouvelle machine à coudre.
Divers liens internet :
http://chapablues.com/
www.myspace.com/victordeme
https://www.dailymotion.com/video/x4gqg5_victor-deme_music
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Devil's Slide- Calembour ... bon
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Re: Victor Démé ou le blues du Burkina Faso
c'est Mat qui me l'a fait découvrir, les Mountain Men seront en tournée avec lui au Burkina => http://www.myspace.fr/mrmatmountainmen
Re: Victor Démé ou le blues du Burkina Faso
Merci bien pour cette présentation qui m'a fait découvrir un peu mieux ce personnage. Il me semble qu'on en avait un peu parlé dans "ce que j'écoute" mais il y a de ça déjà quelques mois.
J'aime bien l'histoire du bonhomme et surtout sa grande simplicité que j'avais pu lire dans certaines de ses interviews. Pour la musique je ne connais pas tout mais, même si j'aime bien ce qu'il fait précisons le, je crois qu'il y a peut être encore une voie à trouver. à approfondir sans doute
J'aime bien l'histoire du bonhomme et surtout sa grande simplicité que j'avais pu lire dans certaines de ses interviews. Pour la musique je ne connais pas tout mais, même si j'aime bien ce qu'il fait précisons le, je crois qu'il y a peut être encore une voie à trouver. à approfondir sans doute
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The blues are the roots
The rest are the fruits
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Re: Victor Démé ou le blues du Burkina Faso
ça c'est un de mes grands coups de coeur de cette année
mud- Chicago Hero
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