Livre Alan lomax

Je vois que ce livre s'est bien vendu sur le forum!!! Pour ma part je viens juste de le découvrir. Passionnant! Une somme rare sur les origines du blues et le contexte socio-économique dans lequel il est né. Alan Lomax  partage avec ce témoignage une vie passée à étudier cette musique que l'on aime ici, en la reliant constamment au quotidien des afro-américains qui l'ont créée. Sociologue, ethnologue et musicologue, il nous laisse là un témoignage et un travail d'une  intensité et d'une humanité rares. L'écriture, vivante, en rend la lecture aisée, si ce n'est (remarque personnelle) les passages très techniques sur l'analyse de la musique qui honorent sans doute le savoir de l'auteur, mais que j'ai eu bien souvent un peu de mal à suivre!
Histoire de nourrir ici le vieux débat sur le sens du blues moderne à travers le monde, j'ai repéré un passage intéressant (pages 455 et suivante). C'est Lomax qui parle:

 "Les jeunes intellectuels et artistes anglais, se mettant au rock, tombèrent amoureux de cette musique, et par leur intermédiaire, aux mains de musiciens comme Eric Clapton, le style de guitare slide devint un ornement orchestral essentiel du mouvement rock international. Malheureusement, en dépit de démonstrations d'hystérie de masse à chacune de leurs apparitions sur scène, ces traductions urbaines de la slide guitare sont tombées dans la platitude esthétique et émotionnelle. Le guitariste rock d'aujourd'hui fait glisser les notes de sa musique avec une virtuosité inégalée, mais il ne réussit que modérément à donner à sa guitare les intonations ou à lui faire crier la poésie, et, s'il y parvient, ces passages sont inexpressifs et l'effet est mécanique et terne, quand bien même ils sont exécutés avec passion et en triple forte.

 L'un des problèmes,c'est que, une fois qu'on a reformulé un vers de blues en anglais de Liverpool ou du New Jersey, la saveur de certains schémas tonals de la langue a été altérée et diminuée et les chansons finissent par dire "come on baby, let's truck" (allez , petite, on baise) ou des paroles de cet ordre. Qui plus est, à mes vieilles oreilles sudistes bilieuses, bien des guitaristes rock se soucient d'avantage de montrer pour la frime combien de notes ils peuvent sortir et combien d'accords ils connaissent, que ce que la chanson a à dire ou de la façon que la guitare peut le leur dire. Leurs acrobaties sur le registre des aigus ajoutent à la frénésie des concerts en public, mais ces artifices sont si fréquents et calculés qu'ils sont devenus des abstractions de l'orgasme sexuel féminin qu'ils représentent, aussi mécaniques et gélifiés qu'un carton de préservatifs. Ce n'est pas ce que Fred MacDowell, Napoleon Strickland et leurs amis avaient en tête."